Comment la créativité et l’art moderne ont ressuscité une ville en déclin
Anéantie par le départ des chantiers navals, Nantes s’est relevée en alliant art contemporain et tourisme. Son estival et annuel « Voyage à Nantes » vaut largement le séjour.
Il était une fois une cité radieuse gorgée d’histoire où un jour, tout s’écroule. Fin des années 80, les chantiers navals quittent Nantes pour Saint-Nazaire. Et la célèbre biscuiterie LU, poumon du centre-ville, déménage également.
Que va devenir cette ville où est né Jules Verne, que traverse la Loire mais où les touristes sont rares ? Que lui reste-t-il à part un club de foot réputé pour son jeu chatoyant « à la nantaise », et les films chantants de Jacques Demy à qui les rues ont souvent servi de décor, que ce soit dans Lola ou Une chambre en ville ?
C’est l’intuition d’un homme politique local qui va réanimer. Jean-Marc Ayrault (qui sera plus tard Premier ministre de François Hollande), jusque-là maire socialiste de Saint-Herbalin, conquiert la mairie de Nantes en 1989.
Une alliance rare du politique et du culturel
Il prend contact avec Jean Blaise, un agitateur culturel monté de Bordeaux et très actif avec des spectacles itinérants dans la région. Ils font ensemble le pari de relever Nantes via l’art et la culture. Une alliance rare entre le politique et le culturel, mais une confiance réciproque qui va s’avérer un choix gagnant.
Car Jean Blaise (photo ci-dessous) a le génie des concepts. Il invente d’abord Les Allumés, un festival qui convie une fois par an les artistes d’une grande ville, toutes disciplines confondues. Avec des spectacles de 6 h du soir à 6 h du matin. Les Nantais suivent et passent des nuits blanches autour des artistes de Barcelone, de Saint-Pétersbourg ou de Buenos Aires.
Jean Blaise imagine ensuite le Lieu unique (photo ci-dessous), un centre culturel éclectique aménagé dans les bâtiments désaffectés de la biscuiterie, repérable par sa tour de 38 m. Une nouvelle réussite puisque l’endroit devient une scène nationale et qu’on ne compte plus les expos et les spectacles qui s’y sont déroulés.
Les Machines de l’île
Blaise toujours imagine ensuite Estuaires, une biennale d’art contemporain jalonnant les berges reliant Nantes et Saint-Nazaire. En 2004 se créent dans la même dynamique les Machines de l’île, sur les décombres chantiers portuaires, inspirées de l’esprit Jules Verne (photo ci-dessous). Avec cet éléphant mécanique mobile et gigantesque, ce carrousel démesuré à trois étages, et une expo permanente d’animaux automates.
Pour la visite de Nantes,
suivre la ligne verte…
Le « Voyage à Nantes », neuvième édition, démarre ce samedi pour deux mois. Un festival d’art contemporain qui anime tous les recoins de la ville
Le Voyage à Nantes est donc aussi un festival qui couvre en principe juillet et août (mais ce sera août et septembre cette année).
L’idée ? Solliciter des artistes de haut niveau et leur proposer de créer une œuvre qui s’intégrera dans l’espace public. Un parc, une place, un carrefour, un chancre industriel… Chacun reçoit carte blanche.
De ce point de vue, Jean Blaise, septuagénaire aux allures d’ado malicieux et grand patron du Voyage, a des relais et un sacré carnet d’adresses. « Tout cela a un coût, 3 millions d’euros par an, financé par la Métropole (NDLR : Nantes et sa région comptent 600 000 habitants). Mais en termes de retombées économiques, c’est 50 millions en retour. »
Un vrai terrain de jeu
Chaque année donc s’ajoute une série de créations. Certaines ne durent qu’un été, d’autres sont pérennes. « C’est ainsi que le Voyage à Nantes se parcourt désormais toute l’année », ajoute son initiateur. De fait, à suivre la fameuse « ligne verte » peinte au sol, il y a plein de choses à voir.
Cette statue décalée de Philippe Ramette (photo en tête de dossier), dénommée Éloge du pas de côté sur la place Bouffay.
Cette Jungle intérieure (photo ci-dessous) créée par l’artiste Evor, et nichée dans le passage Bouchaud.
Ce terrain de football concave des architectes Barré-Lambot, tracé sur l’esplanade Feydeau, mais rectangulaire dans son reflet.
Artistes, graphistes et designers ont pu faire de la ville un terrain de jeu, aménager des constructions ludiques ou ajouter des enseignes fantaisistes à la plupart des commerces.
À côté des classiques
La nouvelle édition annonce de nouvelles installations : une passerelle de 36 m du Japonais Kawamata sur les hauteurs de la butte Sainte-Anne (photo ci-dessus).
Une paire de bottes géantes signées aussi Lilian Bourgeat et alignée près de la Cantine du voyage, lieu de restauration original, installé en 2013. Il y a de la vidéo aussi avec Nantes ici Nantes, odyssée pop de Mrzyk et Moriceau, visible… à la gare.
La ville a ses classiques majestueux tels le passage Pommeraye, le vaste Musée d’arts (un des plus beaux de France), le château des ducs de Bretagne (avec ses remparts et… son toboggan exclusivement réservé aux …adultes et baptisé Paysage glissé.
Seul point noir ? La cathédrale, incendiée il y a peu par le geste fou d’un… bénévole, dont le grand orgue est détruit et qui est désormais inaccessible au public.
En pratique
Du 8 août au 27 septembre. Le « Voyage à Nantes » se tient durant deux mois l’été. Avec un décalage cette année en raison du Covid-19, il démarre ce samedi 8 août et se terminera le 27 septembre.
Y aller ? De Bruxelles à Nantes, il y a un peu moins de 700 km. Par la route, c’est assez simple. Il y a aussi un TGV qui relie les deux villes (5 heures de voyage, arrêt à Lille), un trajet par jour dans les deux sens. Le même TGV dessert aussi Rennes.
Economique ? Un pass forfaitaire pour un, deux ou trois jours reprenant diverses activités est proposé.
Infos ? Tout le détail sur www.levoyageanantes.fr et sur www.nantes-tourisme.com
10 incontournables de Nantes
Le Carrousel des mondes marins
Comme juché sur une montagne de ferraille, le Carrousel des mondes marins (voir vidéo) est une des attractions majeures de l’Île des machines, face au Musée Jules Verne. Vous y voyez tourner d’étranges créatures marines et mécaniques au cœur d’une gigantesque pièce montée sur trois niveaux. Tant ce manège que la Galerie des machines toute proche valent à elles seules le voyage.
L’Eléphant
12m de haut, 8m de large, 21m de long. L’Eléphant de Nantes (voir vidéo) est une attraction hors du commun. Entièrement mobile, pensant 48 tonnes d’acier et de bois, il peut accueillir 50 passagers qui peuvent le voir fonctionner de l’intérieur, ou admirer le paysage. Il se déplace de 1 à 3 km/heure, conduit par un machiniste. Mieux vaut réserver pour y prendre place. Il est silencieux, et son moteur est hybride. Sa trompe souffle de l’eau.
Texte : Xavier Diskeuve
Photos : Xavier Diskeuve
Développeuse : Géraldine Ducat