Les costumes qu’on peut voir dans les salons sont le fruit de longues heures de travail de la part de leurs créateurs.
Made in Asia (qui devait se tenir à Brussels expo ces 13, 14 et 15 mars et qui a été reporté aux 4, 5 et 6 septembre), Comic Con Brussels, Japan Con ou encore BIFFF, les occasions de revêtir un costume pop ne manquent pas chez nous.
L’art du déguisement, aussi appelé cosplay, est une véritable passion pour certains. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne s’agit pas simplement d’enfiler une panoplie achetée dans un magasin de déguisement. Pour ces cosplayers, le plaisir est avant tout dans la création.
“Je fais mes patrons sur moi, avec de la cellophane et du scotch.”
Maryline Robert fabrique ses propres costumes, des créatures fantastiques aux multiples détails, depuis environ quatorze ans. Et tout, absolument tout, est fait main. Depuis les perruques jusqu’aux corsets, en passant par les parties en fourrure et les accessoires, Maryline coupe, assemble, coud, modèle.
Quand il s’agit de dénicher les pièces dont elle a besoin, elle sait faire preuve d’inventivité. « Je trouve mes perruques dans des magasins africains, puis je les colore moi-même. Je fais mes patrons sur moi, avec de la cellophane et du scotch », précise la jeune femme.
Huit ans de confection
Elle consacre une grande partie de son temps libre à cette passion. « Pour confectionner mon dragon-renard, il m’a fallu neuf mois. Je passe environ une à deux heures par jour sur mes costumes. »
Heureusement, son compagnon est, lui aussi, un adepte. « Il n’a qu’un seul costume, celui de Jack Sparrow de “Pirates des Caraïbes” et il a passé huit ans à le faire. On se comprend et il supporte mon bordel. » Car les costumes à fourrure, la spécialité de Maryline, ça perd plus de poils qu’un chien ou un chat.
Une forme de liberté
Le plaisir du déguisement est vieux comme le monde et très répandu, à des degrés divers. Certains en ont fait une véritable passion, alors que d’autres enfilent un costume ponctuellement, au carnaval ou lors de soirées déguisées. « Se déguiser, c’est s’identifier, explique la psychologue Blandine Faoro-Kreit. C’est un processus humain qui fait partie de ce qui nous fonde. »
Quand on se met dans la peau de quelqu’un d’autre, on libère des envies qu’on doit habituellement réprimer. « Certains en profitent pour se montrer dans des tenues provocantes qu’ils n’oseraient pas porter en temps normal. Qu’on s’imagine ogre ou princesse, le choix d’un costume n’est donc jamais anodin. »
S’identifier à un groupe
Le cosplay permet également de renforcer l’identité en s’identifiant à un groupe. Chez d’autres personnes, le fait d’aimer se déguiser peut traduire un défaut de personnalité. « Ils se coulent dans un personnage pour se donner une contenance. S’habiller en motard donne une illusion de force, par exemple. »
Tant qu’on a conscience qu’il s’agit bien d’un costume et qu’on le porte pour le plaisir, il n’y a donc pas de mal. « Le côté pervers du déguisement, c’est de l’utiliser pour faire des choses répréhensibles », poursuit la psychologue.
Dans certains cas, il s’agit aussi de faire durer le plaisir d’une fiction.
Le développement de l’industrie du divertissement et la multiplication des sagas fantastiques sur tous les supports permettent évidemment de booster le loisir du cosplay. « Il y a une récupération commerciale qui offre la possibilité de s’identifier à un grand nombre de personnages. »
Dans certains cas, il s’agit aussi de faire durer le plaisir d’une fiction avec laquelle on a tissé un lien émotionnel. « Les jeunes adultes qui portent les costumes de Harry Potter pour visiter des expositions ou les studios prolongent le côté ludique. »
Certaines personnes, enfin, détestent porter une autre peau. « C’est comme s’ils allaient atteindre leur identité. Ils ne savent pas jouer, probablement à cause d’une fragilité personnelle. »
Des costumes personnalisés
Ne cherchez pas à reconnaître les personnages derrière les costumes confectionnés par Maryline Robert. Ils débarquent en grande partie de son imagination. Dans son cas, on ne peut en réalité pas parler de cosplay proprement dit.
« Les costumes de cosplay copient des personnages fictifs issus de mangas, séries, films, jeux vidéo… Donc il faut que le costume soit le plus ressemblant possible », explique la jeune femme. Ses costumes à elle s’inspirent de ces créatures issues de la pop culture mais avec une touche personnelle.
« Je me suis rendu compte que ça renforçait l’estime de soi de créer d’autres personnages, ça laisse plus de place à la créativité. »
Comme elle travaille par essai-erreur, Maryline a parfois vécu des anecdotes insolites. « Je suis déjà tombée dans les pommes parce que j’avais trop chaud dans mon costume. Depuis, j’installe des ventilateurs à l’intérieur. »
Des concours de déguisement très sérieux
Lors des salons et comic con, les meilleurs cosplayers s’affrontent sur scène, habillés de leur plus beau costume.
Au détour d’un salon comme le Made in Asia, on croise des personnages de manga aux cheveux bleus, des sorciers, des guerriers dragons, on en passe et des meilleurs. On les comprend, après avoir sué pendant des mois sur un costume, c’est plutôt agréable de pouvoir le montrer aux autres.
Mais certains cosplayers vont plus loin encore et montent carrément sur scène dans le cadre de concours. Lors de ces mêmes salons et foires, ces artistes passent devant un jury qui évalue leur savoir-faire en matière de création costumière.
« Les conventions font appel à des organisations extérieures pour mettre en place ce genre de concours », détaille Rémy Chauderon, membre organisateur de l’association Bulle Japon. Cette dernière participe chaque année au Made in Asia à Bruxelles en tant qu’organisatrice du concours de cosplay.
Toute ressemblance…
Pour pouvoir participer, il faut respecter un certain nombre de règles. « 90 % du costume doit être fait main, on ne demande pas qu’ils fabriquent eux-mêmes les chaussures par exemple. »
Chaque candidat doit ensuite envoyer des images de référence de son personnage. « Nous avons un certain nombre de critères pour évaluer la ressemblance du costume avec le personnage original. »
C’est le principe de base du cosplay : les créateurs tentent de reproduire le plus fidèlement possible les atours d’un personnage. Le travail ne s’arrête pas là. Ils doivent aussi envoyer un fichier audio.
En général, ce sont les 24-26 ans qui sont les plus représentés.
Car un concours de cosplay, ce n’est pas uniquement un défilé sur une scène, c’est un vrai spectacle. « Les candidats préparent une mini-pièce de théâtre. Ils doivent créer des décors, et jouer une histoire en lien avec leur personnage. »
En général, ce sont les 24-26 ans qui sont les plus représentés. Mais Rémy Chauderon constate un rajeunissement. « Aujourd’hui, on tourne plutôt autour des 18-24 ans. Mais on a déjà eu un père de famille de 54 ans. » Il remarque également une démocratisation grâce aux ateliers. « On est passés de 8-10 personnes inscrites en 2007 à 25 personnes en 2020. » Ce qui va de pair avec une amélioration du niveau en couture.
Cette année, Bulle Japon organise trois types de concours : un solo, un pour les groupes et la sélection pour la finale du plus grand concours de cosplay du monde qui aura lieu au Japon. « La Belgique, même si elle n’est pas aussi grande que la France ou l’Allemagne, participe activement. Une année, le groupe belge a même été jusqu’en finale. »
Des reconstitutions historiques plus vraies que nature
Alors que certains trouvent leur inspiration dans la fiction, d’autres préfèrent la réalité historique.
On connaît tous les fameuses reconstitutions de la bataille de Waterloo, ou des deux guerres mondiales. Le temps d’une journée, des passionnés, souvent des historiens, reproduisent à l’identique ces batailles mémorables, habillés à la couture près, comme les soldats.
À Jurbise, le Salon des Lumières offre une expérience similaire, dans un esprit plus festif. Fasciné par cette époque, le propriétaire accueille ses hôtes dans le décor somptueux du Château Blanc de Jurbise.
Ici, on ne propose plus uniquement de se déguiser mais bien de vivre une soirée ou un week-end entier dans la peau de Marie-Antoinette ou d’un marquis du siècle des Lumières.
Reportage : Élise Lenaerts
Photos et vidéo : Maryline Robert, Reporters, Adobe
Développeurs : Cédric Dussart