La plupart des stations de ski françaises allumeront leurs remontées mécaniques ce week-end du 17 décembre 2022. On vous fait découvrir les coulisses d’une ouverture de saison juste avant les premières descentes.

En France, dans la majorité des stations, c’est ce week-end que sera donné le coup d’envoi de la saison hivernale. Pendant quatre mois, ce sont des millions de touristes, dont bon nombre de Belges, qui vont dévaler les pentes enneigées des Alpes françaises. À une semaine du jour J, la fourmilière est déjà bien active. « Quand la saison est lancée, on peut enfin souffler », rigole d’ailleurs un commerçant.

Après plusieurs saisons chahutées par le Covid, les stations de ski vont enfin pouvoir retrouver leur rythme de croisière normal. « En tout cas, les conditions sont là, se réjouit Laurent Deléglise, l’un des boss du domaine des Sybelles. Il fait froid, il y a de la neige, ils en annoncent encore. On a donc déjà bien pu avancer sur la préparation du domaine. » Et pour l’instant, les chiffres de fréquentation sont bons. « On est en avance par rapport à d’habitude, confirme le directeur. Même si on n’a pas le droit de se planter, parce qu’en quatre mois, nous allons jouer notre année ou presque, il n’y a pas de stress, plutôt de l’excitation d’enfin voir ces stations se réveiller après toutes ces semaines de silence. »

Des métiers passions

Alors que le domaine des Sybelles fêtera ses vingt ans l’an prochain, la mécanique est bien réglée. Que ce soit les dameurs sur le front de neige, les pisteurs occupés à baliser le haut des pistes ou le bal des télésièges qui tournent à vide pour l’instant, chacun connaît sa mission sur le bout des doigts pour que tout soit prêt ce samedi matin. « Nous avons de la chance de travailler avec des gens qui font des métiers passions, insiste le grand patron. Vous ne trouverez ici que des passionnés, des gens qui ont une véritable expertise de la montagne. S’ils me disent qu’il faut fermer telle ou telle piste à cause du vent, je ne discute pas, même si moi, mon objectif est de voir un maximum de gens sur leurs skis. »

Une crise en chassant une autre, les gestionnaires de remontées mécaniques doivent, après le Covid, faire face à la crise énergétique. « La facture électrique devrait être multipliée par trois, estime Laurent Deléglise. Aux Sybelles, nous avons décidé de ne pas répercuter cette augmentation sur nos clients. Les forfaits de départs n’ont pas été revus à la hausse en espérant qu’ils soient tout de même au rendez-vous. »

Par contre les économies seront faites ailleurs et notamment via un approvisionnement total en énergies vertes, mais également grâce aux nouvelles technologies qui vont permettre une diminution de 20 % de la neige de culture et de 21 % des heures de damage sur une saison. « Mais outre l’augmentation des prix de l’énergie, il s’agit de préserver la nature et une montagne qui est notre outil de travail, reprend le gérant des Sybelles. Nous devons tout faire pour ne pas l’abîmer. »

Des métiers « tout schuss »

Si les touristes ne sont attendus qu’à partir de ce samedi, dans les stations, quelques jours avant l’ouverture, l’activité est déjà importante et chacun connaît son rôle.

Dameurs

 À bord d’une dameuse, avec les façonneurs de montagne

Pas de neige, pas de ski, autant dire que le rôle des dameurs est primordial à quelques jours de l’ouverture. « Nous sommes occupés à mettre en place les pistes, raconte Pierre-Alexandre Magnas, le responsable damage à La Toussuire. Pour l’instant, on travaille essentiellement avec de la neige à canon. L’objectif est d’étaler la neige sur les pistes pour déjà les former avant, on l’espère, les grosses chutes de neige naturelle. Au total, on compte deux bonnes semaines pour préparer les 50 kilomètres dont on s’occupe. » Si chaque nuit, tout au long de la saison, le dameur sera au volant de son engin, cette première couche est la plus importante. « Parce que c’est celle que l’on retrouvera au printemps à la fonte. Elle va donc faire toute la saison », termine-t-il.

Pisteurs

Tout en haut d’un des sommets de La Toussuire, Aymeric Vadam et son équipe ont sans aucun doute le bureau avec la plus belle vue au monde. Ce matin, les pisteurs sont occupés à installer les poteaux et les cordes qui délimitent le domaine. « Et ainsi éviter que des skieurs imprudents ne dévalent du mauvais côté et nous obligent à aller les rechercher, sourit le chef pisteur. On avait bien préparé le travail pendant l’été en installant des poteaux permanents pour en planter moins durant l’hiver. » Plus bas, dans la station, une autre partie de l’équipe s’affaire à préparer le matériel de secours. « On va ensuite le dispatcher sur le terrain pour permettre aux pisteurs d’intervenir le plus rapidement possible », complète Aymeric.

Commerçants

Au milieu des caisses, difficile de s’imaginer que dans quelques jours, le commerce de Justine Dufour grouillera de monde, ceux qui, distraits, auront oublié d’embarquer bonnet, paire de gants voire même doudoune suffisamment chaude. « Nous sommes en effet en pleine effervescence, prévient la gérante en enjambant trois cartons. La saison hivernale est la plus importante pour nous, on compte beaucoup sur l’afflux des vacanciers pour atteindre notre chiffre. » Au fond du magasin, les vendeurs terminent d’aligner les bottines, pendant que d’autres sont en plein affûtage. « On propose des skis pour tous les niveaux, détaille Justine. Désormais, les gens savent vraiment ce qu’ils veulent, nous avons dû nous adapter. »

Hébergeurs

Au Corbier, lors des grosses périodes d’affluence, la résidence MMV peut accueillir jusqu’à 600 personnes au même moment. « Mais il n’y a pas de stress pour autant, insiste Manon Letouvet, la responsable. Désormais, nous avons la neige, nous avons l’équipe, on est donc même plutôt impatients. Il ne manque que les clients et que les télésièges tournent enfin. » Et si on a beaucoup parlé du manque de saisonniers l’hiver dernier, il semble que la situation revienne peu à peu à la normale. « Parce que la saison dernière était incertaine sans doute et qu’il y avait le pass sanitaire, explique la gérante. Cette année, tous nos saisonniers sont revenus et tout le monde semble impatient de retrouver l’air de la montagne. »

Producteurs

Dans l’atelier de Simon, de la coopérative des Arves

Si du côté de la coopérative des Arves, à Saint-Sorlin, on n’attend pas l’arrivée de la neige pour produire du Beaufort, « au contraire même puisque les vaches produisent plus de lait au printemps ou en été », glisse Simon Culot, le maître fromager, la saison hivernale et l’arrivage hebdomadaire de milliers de touristes, est primordial. « On écoule 60 % de notre production à travers le tourisme, confirme le producteur au pied des meules de fromages occupées à vieillir. Si nous n’avions pas tous les vacanciers des Sybelles, notre rentabilité serait loin d’être bonne. Il faut être honnête. Le domaine skiable nous fait vivre. La fermeture à cause du Covid nous l’a confirmé. Il n’aurait pas fallu une année de plus comme ça. »

Une fondue sans pain

Une fondue sans pain

Si les vacances au ski riment inévitablement avec quelques traditions culinaires, cela n’empêche pas quelques innovations. La vermicellerie Chiron a notamment voulu revisiter la traditionnelle fondue savoyarde et propose de remplacer le pain par ses Tafagnon, des pâtes de blé et de protéines de lait. « On aime surprendre nos clients avec des nouveautés », glisse Karim Gharbrit, chef du restaurant Di Peppino de Saint-Sorlin.

En pratique

Au sud de la Savoie, le domaine des Sybelles s’étend sur 393 ha, entre 1 100 et 2 620 mètres d’altitude. Le domaine, qui fêtera ses 20 ans l’hiver prochain, compte six stations et propose 136 pistes. Les sept sommets sont accessibles via 68 remontées. Ce qui en fait le 4e domaine skiable relié de France.

Pour ceux qui veulent éviter la voiture, la gare de Saint-Jean-de-Maurienne est desservie par les TGV, puis des navettes sont organisées vers les stations.

Bonnes adresses :

Restaurant Di Peppino,  Le Chal, Saint-Jean-d’Arves

Confiserie Spagnolo,

Lot Le Saut, Le Corbier

Tourneur sur bois  Simon Cartier-Lange  Lachenal, Saint-Colomban-des-Villards

Réchauffement climatique oblige, les stations de ski font de plus en plus appel à la neige de culture.

Alors que la neige se fait et va se faire de plus en plus rare même en altitude, pour ne pas devoir abandonner une partie de leur domaine voire même fermer complètement certaines stations, les domaines ont de plus en plus recours à l’usage à ce qu’ils appellent de la neige de culture, c’est-à-dire de la neige créée de manière artificielle. Le domaine des Sybelles compte, par exemple, près de 640 enneigeurs au total.

En France, le recours à la neige de culture est très réglementé. Il est interdit d’en fabriquer avant le 15 novembre et celle-ci ne peut contenir aucun additif. « C’est un procédé totalement mécanique, insiste Laurent Deléglise, du domaine des Sybelles, et on ne prend rien à la nature, puisqu’une fois utilisée, la neige fond et retourne dans la terre, d’où elle vient donc. »

Pour les dameurs, le recours à la neige de culture est même idéal à l’heure de façonner les pistes, en avant saison. « Parce que la neige de culture est plus consistante et va donc durer plus longtemps dans l’année, confirme Pierre-Alexandre Magnas. Comme première sous-couche, elle va mieux durcir, donc c’est préférable. » Désormais, les dameurs peuvent compter sur le snowsat pour optimiser leur travail. « On n’est plus seulement des pousseurs de neige, sourit le dameur. Cela nous permet de mieux régler les hauteurs de neige sur toute la piste. On intervient uniquement où c’est vraiment nécessaire et après notre passage, plus bas, à la maison de la neige, les snowmakers reprennent notre tracé de la journée pour fabriquer de la neige où il n’y en a pas beaucoup. On n’arrose plus l’ensemble du domaine comme c’était le cas auparavant. »

Dans l’atelier de Simon et Antoine

Dans l’atelier de Simon, tourneur sur bois et chef pisteur

Une fois son travail de chef pisteur terminé du côté de Saint-Colomban-des-Villards, Simon Cartier-Lange déchausse les skis et change de salopette pour devenir tourneur sur bois. « Un métier qui s’apprend, mais qui est aussi quelque peu inné, précise le sympathique gaillard. À douze ans, j’avais déjà une pièce de bois qui me tournait devant le nez (rires). »

Dans son petit atelier, Simon travaille toutes sortes de bois. « Tous les bois durs, notamment le frêne, le chêne, l’érable ou le buis détaille l’artisan. Mais aussi les bois fruitiers qui ont des couleurs particulières et des veines beaucoup plus marquées. »

En quelques minutes, le vulgaire morceau de bois carré est transformé en une jolie petite toupie. « On reconnaît un bon tourneur à la façon de se différencier des autres, par des formes différentes, par des choix de bois, termine Simon. Ce qui est très important en tournage, c’est la finition du bois. Si on loupe la finition, on ne mettra pas en valeur toutes les veines, toutes les couleurs et tout ce que la nature peut nous donner. »

Dans l’atelier d’Antoine et Manon, confiseurs au Corbier

À la sortie du village du Corbier, Antoine et Manon ont installé leur atelier de confiseur. Après avoir fait ses armes un peu partout en France et rencontré Manon, Antoine est venu ouvrir son atelier dans la station qui l’a vu grandir. « J’ai vécu dans la maison à côté, sourit-il. Quand on est habitué à l’air de la montagne, on y revient vite. » Berlingots, guimauves, bonbons et de nombreux autres produits dans son laboratoire, Antoine laisse libre cours à son imagination et fait tout maison. « Il n’y a pas vraiment de parcours type pour devenir confiseur, raconte-t-il. J’ai commencé par être pâtissier puis je me suis orienté naturellement vers la confiserie. Ce n’est pas très commun de retrouver un confiseur dans une station, d’habitude, ils préfèrent s’installer dans les grandes villes, mais pour l’instant on ne le regrette pas et on attend la saison avec impatience. » Sur rendez-vous, on notera qu’il est possible de visiter l’atelier de Simon ou celui d’Antoine. De quoi occuper une journée pluvieuse par exemple.

Dans l’atelier d’Antoine et Manon, confiseurs au Corbier