Dix heures pétantes. Sous un ciel menaçant, le vent souffle, faisant plier les hautes herbes. À l’abri des regards, le terrain communal du Jonckeu surgit de son écrin fantomatique. S’il n’y avait les quelques caravanes voisines appartenant aux gens du voyage installés à proximité, on pourrait croire à un décor digne des westerns spaghettis de Sergio Leone, où l’ocre du désert aride de l’Ouest a laissé la place aux chardons verdâtres de nos Fagnes.

Tandis que nous contemplons bouché bée les vestiges d’un club autrefois acteur majeur du football local, Claude Orban, échevin des Sports à la Ville de Verviers, nous rejoint. Il sera notre guide pour cette exploration à travers le chiendent, le cynorhodon et autres mourons des champs qui recouvrent aujourd’hui l’ancienne pelouse du S.R.U. Verviers.

« À l’origine, il y avait deux grands clubs de football à Verviers, c’est à dire deux clubs historiques, ayant connu le niveau national », nous raconte Claude Orban, tandis que nous rejoignons ce qui, il n’y a pas si longtemps encore, servait de buvette et de blocs vestiaires pour l’un d’entre eux.

Si le Cercle Sportif, qui portait le matricule 8, a croulé sous les dettes voici bientôt deux ans, le Skill Racing Union avait, lui, mis la clé sous le paillasson en 2010 déjà, son matricule 34 disparaissant dans les limbes du football belge.

« Le S.R.U. évoluait au départ à Bielmont, plus précisément au Stade Albert, disparu aujourd’hui et sur lequel on trouve à présent la plaine de jeux dite des Hougnes et deux tours résidentielles », nous explique Claude Orban. « Il s’agissait du stade qui pouvait accueillir le plus de spectateurs à Verviers : environ 12 ou 13.000. Ce club a connu le niveau national où il a évolué principalement dans ce que l’on appelait encore il n’y a pas si longtemps la « division 3 » et la « promotion ».

Quand le stade Albert est devenu obsolète, le S.R.U. a alors déménagé au stade de Bielmont, juste à côté. « Mais ce stade froid et les descentes successives du club au niveau provincial l’ont incité à émigrer sur le site du Jonckeu, à l’extérieur de la ville. Le site sur lequel nous nous trouvons actuellement », poursuit notre guide.

« Je ne sais plus au juste à quand remonte ce déménagement, mais cela doit faire une bonne vingtaine d’années. C’était une période où les zonings commerciaux situés à l’extérieur des villes étaient en plein essor, contrairement à aujourd’hui où l’on revient davantage à une forme de mobilité douce avec les transports en commun et les commerces du centre que nous essayons de redynamiser. Mais cela n’a pas marché: le zoning qui était envisagé n’a jamais trouvé d’intérêt auprès du secteur privé et les jeunes n’ont pas suivi le club sur les hauteurs de la ville. En 2010, le club a donc décidé de cesser ses activités, mais il a mis un point d’honneur à stopper les frais sans présenter de dettes. Cela a été une mort sportive et pas financière », précise encore Claude Orban.

Depuis, plus rien n’a bougé. Les herbes ont poussé, les buts ont rouillé, la tribune s’est en partie effondrée. « Il n’y a jamais eu de repreneur, en raison notamment de l’état de la buvette qui fuitait de partout et qui aurait nécessité d’importants (NDLR : et onéreux) travaux de rénovations », regrette l’échevin. On se souvient tout de même que le Centre de formation Étoile Verviétoise, nouveau venu dans le panorama footballistique local, avait reçu les clés du bâtiment et était même prêt à débuter les travaux. Mais un changement de majorité politique au niveau communal avait ensuite changé la donne.

Aujourd’hui, le terrain se laisse donc peu à peu envahir. Les arbres de « poil-à-gratter » ont absorbé les quelques marches en béton de la tribune, la rouille a recouvert intégralement les antiques poteaux d’éclairage, les vitres brisées de la buvette laissent un coup d’œil désolant sur une poignée de tables et chaises jonchant un sol recouvert d’une large couche de poussière.

Le terrain communal du Jonckeu sert désormais de cour de récréation pour les enfants du voyage qui s’étaient établis aux abords de ce que l’on désignait autrefois comme le terrain d’entraînement. Mais même eux semblent avoir depuis longtemps délaissé ce terrain de jeu qui, depuis plus de sept ans, tombe en lambeaux. Une bien triste de fin pour un terrain qui, il n’y a pas si longtemps, incarnait les rêves de renouveau pour un club phare de la région verviétoise.

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Des arbres qui poussent au milieu d’une tribune, de la rouille qui ronge les pylônes d’éclairage, des graffitis qui jonchent les murs des vestiaires, des fantômes du passé qui se souviennent de leurs exploits: L’Avenir est parti à la découverte des terrains de football abandonnés de Wallonie.