Il y a 40 ans, l’usine d’Athus fermait définitivement ses portes. La rédaction de l’Avenir Luxembourg est partie à la rencontre de ceux qui ont vécu ce drame social. Ils parlent du combat, de l’ambiance à l’usine et des jours sombres

« Déjà en 1968, on parlait de la fermeture d’Athus »

René Bressard était délégué permanent CSC et se souvient très bien de la mort annoncée de l’usine.
« En 1968, on parlait déjà de fermeture de l’usine. C’est à ce moment-là qu’Athus a été condamnée. Le prix de l’immobilier a chuté après cette date.

Dans l’affaire de la fermeture, en fait chacun a sa vérité », nuance-t-il.
« À cette époque, le directeur général de Cockerill nous a déclaré qu’il abandonnait tous les produits longs et qu’il les refilait à Athus.
Il garantissait l’emploi à Athus pour une durée de 5 à 10 ans. Si on fait le calcul, on constate que l’usine a survécu 5 ans après cette fusion. »
M. Bressard se souvient aussi du mois de juillet 1977 : « On nous a dit froidement que les banques grand-ducales avaient déclaré que si on voulait sauver Rodange et l’emploi des transfrontaliers, il fallait couper la branche morte qu’était Athus.
La CSC n’allait pas se battre contre la fermeture de l’usine d’Athus parce que cela ne servait à rien, Athus allait fermer. Par contre, nous allions nous battre pour le social. »

“On croyait qu’on était le Titanic”

Deux ans avant, on percevait bien que cela sentait le roussi et que c’était mal barré.  Le syndicat n’avait pas voulu ouvrir de polémique. J’étais déjà un jeune affilié chez les métallos, depuis 1970 et j’y suis toujours aujourd’hui », explique Serge Carême.
« On a fait une grave erreur sur le plan syndical, avec le Grand-Duché. On a cru qu’on allait avoir quelque chose et que donc il fallait garder le maximum d’outils en Belgique et que rien ne devait partir de l’autre côté. Nous considérions le site d’Athus comme le Titanic, c’est-à-dire insubmersible : le site n’allait jamais fermer. Stratégiquement, il aurait mieux valu continuer sous statut luxembourgeois : on y aurait certainement gagné moins, mais on aurait sûr qu’après la fermeture on aurait eu des sous jusqu’à la pension. Cela a joué beaucoup pour la suite, car l’amertume a été d’autant plus grande qu’on s’est retrouvé gros Jean comme devant avec plus rien du tout ; on était dehors. »
« L’assemblée de fin août, début septembre on sentait bien que cela n’allait plus et puis il y a eu les grosses actions menées par le syndicat dont un grand leader était Jacques Hardy. Il a mené des batailles et actions costaudes. Je suivais le groupe et j’étais dans le mouvement. On a fini par nous entendre et c’est comme cela qu’on a décroché la cellule de l’emploi. Sans cela, on serait passé tous à la trappe et sans compensation. Sa mort était annoncée. Certains au syndicat, malgré tous ces signes croyaient encore à une survie. Même le 6 septembre, ils ne se doutaient pas qu’on puisse fermer l’usine. Moi pas. »

« Viré deux fois en trois jours »

« J’avais un gamin né en juin. En 1977, je me disais toujours qu’il y avait un espoir, mais un espoir réaliste. J’avais dit à ma femme que j’allais perdre mon emploi et elle a compris. Elle ne m’a pas accablé. Elle m’a beaucoup aidé. Je ne suis pas parti, alors que j’aurais pu. Je suis resté car le chef de l’aciérie m’avait dit que la scorie allait être prise par Differdange. “ Si tu vas là-bas tu as une chance d’être repris ”, m’avait-il dit. J’y suis allé. Le jour de la sélection, deux gardes luxembourgeois nous ont fait mettre en file indienne et ont sélectionné les ouvriers. Quand ils sont arrivés à moi, ils ont dit : ‘on est complet’. J’ai cru mourir ce jour-là. J’avais eu confiance, j’avais travaillé comme un fou au moulin à scories pour leur prouver que j’étais capable et qu’il fallait m’engager. Cela a été pire que le jour de la fermeture. Le type ne m’a pas dit pourquoi, il a juste dit il en faut 32 et pas 33 !
Le jour de la fermeture ? J’étais au moulin à scories. J’ai été viré deux fois : le 7 de l’usine d’Athus et trois jours plus tard, de Differdange ! S’ils m’avaient repris, j’aurais continué dans la sidérurgie jusqu’à ma pension et j’aurais eu une très bonne pension. »

Leurs bons souvenirs de l’usine

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