Le 24 janvier 2018, c’est un homme au costume un peu trop large pour lui et portant de grandes lunettes qui pénètre dans la salle abritant la cour d’assises chargée de le juger pour l’assassin de la jeune Béatrice Berlaimont.

Pour cette première audience devant permettre de constituer le jury populaire, Jérémy Pierson est apparu fort différent des clichés qui avaient circulé au moment de son arrestation fin 2014.

Âgé de 30 ans depuis le 3 janvier, l’homme a déjà un parcours de vie chaotique, entre différents délits et placements en institution IPPJ.

Une vie qui a mal commencé. Jérémy Pierson n’a jamais connu son papa. À l’âge de deux ans, il part vivre en France avec sa maman et son beau-père. Il ne s’entend pas avec ce dernier. «On n’avait droit à rien du tout, aucun jouet. Je restais assis sur une chaise », raconte-t-il.

La famille revient en Belgique et le couple se sépare. Jérémy Pierson et sa maman vivent chez le grand-père maternel, avant de trouver un appartement social sur Arlon. Le courant ne passe pas très bien entre Jérémy Pierson et sa maman, à qui il reproche ses absences et ses fréquentations.

Le parcours scolaire de l’accusé est chaotique. Déjà à l’école maternelle, Jérémy Pierson se fait remarquer « en mordant d’autres enfants », indique sa maman. A l’école primaire, « il a du mal à apprendre à lire. Je pense qu’il le faisait exprès pour que je reste près de lui », dit la maman (Pierson n’a jamais connu son père, portugais). Enfant, Jérémy Pierson doit être retiré du cours de dessin à l’Académie d’Arlon « parce qu’il taquinait les autres, sans doute pour se rendre intéressant », dixit toujours la mère.

À l’âge de 15 ans, il ne fréquentera d’ailleurs plus l’école. Il avait commencé à consommer du cannabis, trois ans plus tôt, à l’âge de 12 ans. Il dit qu’il pouvait consommer jusqu’à 15 à 20 joints par jour. Il fugue, parfois plusieurs jours. Il vole. Il est placé plusieurs fois en centres ouverts et fermés de protection de la jeunesse.

Sa maman entame une relation avec un amour de jeunesse. Ils partent vivre en Espagne. Jérémy Pierson a 17 ans. Cela se passe mal avec son beau-père. Pierson finit par le menacer avec un couteau. Le couple se sépare.

Pierson restera six ans en Espagne. Il travaille comme saisonnier dans des hôtels. Il braque une pharmacie avec un ami, se bat avec un autre et lui porte un coup de couteau «pour se défendre», dit-il.

En Espagne, il rencontre sa compagne et l’emmène en Belgique. Fin 2012, ils auront un fils.

Vols et attentat à la pudeur

Jérémy Pierson se fait particulièrement remarquer en 2006 lorsqu’il crève les pneus de 80 véhicules dans le centre d’Arlon. Pour ce délit, l’Arlonais écope de 12 mois de prison ferme par le tribunal correctionnel en 2011.

Un tribunal qui va le condamner à de multiples reprises pour des faits de coups et blessures, vols simples, vols avec effraction… En novembre 2012, il a pénétré de nuit, avec des complices, dans un appartement d’Arlon en réclamant à l’occupant des lieux de l’argent et du cannabis. La compagne de ce dernier, réveillée par le bruit, a tenté de sortir de sa chambre, mais elle en a été empêchée par Jérémy Pierson qui a commis au passage un attentat à la pudeur.

Justification surréaliste

L’homme est de retour devant le tribunal correctionnel d’Arlon début décembre 2015. Cette fois, il doit répondre de onze vols. Avant la clôture de l’audience, Jérémy Pierson avait tenu à s’exprimer: « Un jour, la voiture de ma maman a été volée. J’avais une compagne et un enfant, le CPAS a supprimé mon droit aux allocations que je recevais. J’ai commencé par voler un vélo pour pouvoir me déplacer. Par après, j’ai volé une voiture et ce fut le début d’une spirale. J’ai pris conscience des dommages que mes vols ont causés aux victimes. Ce que j’ai fait n’est pas excusable.»

Cette empathie pour les victimes, Isabelle Hustin, la maman de Béatrice, n’y croit pas.  «Tout le dossier démontre qu’il n’a aucune empathie et ne ressent aucun remords par rapport à ce qu’il a fait. Mais de toute façon, on ne pourra jamais lui pardonner.»

Agression d’une étudiante finlandaise

Quelques mois avant de s’être attaqué à la jeune Béatrice Berlaimont, Jérémy Pierson s’en était déjà pris à une femme croisée au hasard. Nous sommes le 12 juin 2004, il est 21h30, Fanni-Maria Harma, une étudiante finlandaise, effectue un jogging dans le parc Laval à Luxembourg. «Il m’a accostée alors que je le dépassais. Il a commencé à me suivre et après quelques pas il m’a attaquée de façon agressive. Il a essayé de mettre un chiffon sur ma bouche. J’ai pu retenir sa main éloignée et je ne respirais pas. Mon pire cauchemar est devenu réalité », raconte la jeune victime toujours sous le choc, trois ans plus tard.

Fanni-Maria Harma est poussée dans un buisson, se débat, résiste mais Pierson la tient d’une main et de l’autre donne une vingtaine de décharges de taser en forme de coup de poing américain sur la poitrine de la victime. « J’ai compris que je devais trouver un autre moyen pour lui échapper. Je lui ai mordu à la main. Il m’a lâchée et il s’est enfui. Je suis restée tétanisée au sol un moment. Quand je me suis levée, il s’est retourné et a regardé vers moi. Je me souviens de son sourire dégoutant.»

La victime identifiera son agresseur sur Facebook lorsque Pierson sera arrêté pour les faits commis sur Béatrice Berlaimont en novembre 2014. Des traces d’ADN retrouvée sur le t-shirt de la jeune femme confirmeront plus tard qu’il s’agit bien de Pierson. Ce dernier affirme toujours ne se souvenir de rien mais ne conteste pas les faits.

La jeune femme, choquée et terrorisée après son agression, est depuis retournée vivre en Finlande dans son pays d’origine où elle commence peu à peu à se reconstruire.

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